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PLANCHE 9.




Mlle DE L’ESPINASSE.


Portrait de Carmontelle.


Julie-Jeanne-Éléonore de Lespinasse naquit à Lyon en 1732. Ses parents ne sont pas connus. On a écrit qu’ils appartenaient à une famille distinguée. Mademoiselle de Lespinasse, douée d’un esprit fin et aimable, y joignait une âme de feu ; ces deux qualités brillent dans les deux charmants chapitres qu’elle a ajoutés au Voyage sentimental de Sterne, et dans toutes ses Lettres. Il en a été publié deux volumes écrits avec une heureuse vivacité d’imagination. Son travail sur les synonymes révèle un esprit distingué, sûr des différences qu’il indique, apte à les séparer par des définitions claires et délicates.

Mademoiselle de Lespinasse est arrivée à Paris en 1764. Elle se trouva d’abord presque sans ressources ; elle demanda asile à un couvent où elle eut ensuite un instant la pensée de prendre le voile. Madame Dudeffant, sur ces entrefaites, fit sa connaissance. La vieille sceptique changea les résolutions de la jeune fille ; c’est alors que mademoiselle de Lespinasse vint s’établir auprès de ce judicieux mais froid bel esprit. Elle fut aimée très-vite dans cette société ; tout le monde y fut bientôt sous le charme de son esprit facile et romanesque. Cette circonstance affaiblit sa liaison avec sa capricieuse protectrice. Cette liaison se rompit tout à fait au bout de dix ans, mais après bien des tracas.

Mademoiselle de Lespinasse avait de la grâce dans les traits, une grande mobilité ; son esprit, observateur et animé, recevait un secours frappant de sa physionomie spirituelle et pure. Tous ses sentiments étaient délicats, peut—être trop exaltés. Elle était généralement trop occupée des autres pour rencontrer le bonheur. Mademoiselle de Lespinasse, qui était très-aimée d’un jeune seigneur espagnol plein d’esprit, le comte de Mora, eut le chagrin de lui survivre. Ce chagrin détruisit sa santé et l’emporta deux années après. M. de Mora lui avait offert sa main.

Cette femme charmante est une de celles qui, dès leur jeunesse, ont honoré le salon français. Le salon, on le sait, était le principal théâtre de l’ancien régime. C’est là, dans des conversations rapides ; c’est au milieu des petits soupers que les opinions nouvelles se fixaient. Les femmes y tenaient l’école du savoir—vivre, et leur exemple, les traditions élégantes que conservaient les plus âgées, les rendaient l’objet de l’empressement de toute la jeunesse distinguée ; c’est sous leur influence qu’une bonne éducation s’achevait. Mademoiselle de Lespinasse mourut le 23 mai 1776, à quarante quatre ans.