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que je m’étais imposée : l’émancipation de la race indienne. Il m’est doux de constater en ce jour solennel, que ses droits méconnus, que les spoliations méthodiques vont être, reconnus les uns, abolies les autres.

Après quatre siècles d’esclavage et d’oppression, elle voit poindre, l’aurore d’un avenir radieux, dont ce Soleil qui est son Dieu, en est l’incarnation.

Oui, Messieurs, rendez-vous en compte et que la honte vous monte au front, vous tous qui êtes ici, avez considéré l’indien plutôt comme une bête de somme que comme un être humain : Au point de vue religieux, vous l’avez traqué, forcé au christianisme. Vous lui avez ravi ses trésors pour enrichir vos rois, les premiers maîtres.

Vint la période de l’indépendance, elle ne fut pas meilleure pour l’indien, vous lui avez proscrit sa langue natale, lui avez refusé le droit électoral, et tout cela au profit de l’étranger dont vous incarniez les idées.

Votre sang même, n’a presque plus d’atomes de sang indigène : par vos mariages, d’où l’indien était toujours proscrit, vous avez perdu toute sympathie pour lui et le considériez comme un être inférieur.

Vous n’avez même pas essayé de l’émanciper en lui donnant l’éducation.

Il a fallu que ce soit moi, un étranger, qui vienne en ces contrées pour le libérer.

J’y suis parvenu à force de ténacité et de luttes, quand je bataillai contre vous, quand mes hordes innombrables se lançaient à l’assaut, elles y allaient, guidées par un idéal de sacrifice aux mânes de la patrie.

Elles mouraient, mais avec le sourire sur les lèvres, car elles savaient que leur immolation aidait l’émancipation de leur race.

C’est là le secret de mes victoires, car j’aurai vaincu même sans l’aide de mes engins modernes.

Rendez-vous en bien compte pour l’avenir. Messieurs, le courage, en dehors de la discipline, n’est stimulé que par l’exaltation de l’être humain envers le sentiment du beau, du noble. Quand on voit le soldat se ruer au combat, quand il est lancé dans un tourbillon de fumée et de mitraille, il n’est pas l’être humain devenu fauve sanguinaire, mais l’héroïsme incarné, poussé au paroxysme. Rares sont les exceptions et dans mes indiens je ne crois pas qu’elles existent.

Faites donc votre mea culpa, Messieurs, et à l’avenir soyez bons pour vos frères de race car ce sont eux les propriétaires légitimes de cette Amérique si belle, si riche, douée de tout ce qu’il faut à l’être humain.

La Providence, dans ses desseins secrets, a choisi cet Éden pour le trop-plein de la vieille Europe. Dans leur évolution atavique vers l’Ouest, les peuples seront peut-être forcés de la traverser dans leur poussée vers l’orient.