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compter sur nos alliés d’hier, que les États-Unis ne nous reconnaissent pas comme belligérants ?

Je sais tout cela, mais je suis convaincue que tu surmonteras toutes les difficultés. Que toutes les puissances de la terre et du ciel liguées contre toi, seraient impuissantes à te vaincre, car tu es invincible ! Dieu t’entende, murmura Lucien.

S’asseyant à côté d’elle, il se mit à rêver. Serait-ce donc vrai qu’il incarnait en lui l’émancipateur de la race indienne ? Ses actes, ses victoires foudroyantes ne seraient-elles donc que l’accomplissement, dirait-on, mécanique des dessins de la Providence ?

Il en fut vexé dans le fond, car tout être a en soi l’orgueil de ses actions et n’aime pas à être suggestionné par autrui, fut-il le Créateur. Bah ! finit-il par se dire, c’est du mysticisme et rien d’autre. Tirant un cigare, il se mit à fumer. Le temps passa ainsi jusqu’à l’heure du dîner.

Le lendemain matin, Lucien se trouvait dans son salon, quand on annonça Monsieur Daviel.

Peu après, un monsieur grisonnant faisait son entrée. Monsieur, lui dit Lucien, je suis Lucien ier, Roi d’Araucanie et beau-fils de l’inca de l’Empire du Soleil.

Daviel s’inclina et dit :

Pour un roi indien, vous causez joliment bien le français. Je n’ai pas grand mérite à cela puisque je suis Liégeois de naissance. Ah ! je comprends alors dit Daviel.

Pour en venir à nos affaires, dit Lucien, veuillez me raconter votre vie sans omettre de détails, même le plus intime. Êtes-vous marié ? Avez-vous des enfants ?

Je suis marié, sans enfant, répondit Daviel, mais n’étant pas heureux en ménage, c’est sans regret que je m’expatrierai.

Bien, dit Lucien. Vous êtes graveur n’est-ce pas ?

Assez fort même, répondit Daviel.

Lucien tira de son gousset une livre sterling neuve.

Voulez-vous, dit-il, me reproduire cela sur un bout de papier ?

Daviel tira un crayon, prit la monnaie et se mit à dessiner la pièce. Dès qu’il eut fini, il tendit le papier à Lucien, Celui-ci tira une loupe et se mit à examiner le dessin minutieusement. Pas le moindre détail y manquait. Combien gagnez-vous à la Monnaie ?

6,000 francs par an, dit Daviel. Si je vous donnais 50,000 francs par an seriez-vous satisfait ? demanda Lucien.