Page:Gaillard - Dans un monde inconnu, 1916.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 8 —

Je compte partir demain matin pour Anvers et de là sur Londres. Une fois là je verrai comment je dois m’y prendre pour arriver à mon but.

Dès le repas terminé il s’en alla.

Rentré chez lui il prévint sa logeuse qu’il partait le lendemain matin. Ensuite il alla à la Caisse d’épargne retirer ses petites économies, nonante-huit francs, trente-cinq centimes. En y ajoutant ce qui lui restait en poche et la semaine payée, il disposait d’un capital de cent-cinquante francs environ.

Maigre pécule pour affronter un voyage comme il projetait de faire !

Mais il se sentait animé d’une grande énergie. Même sans un centime il aurait tenté l’aventure.

Le lendemain matin, lui et ses deux amis se trouvaient vers six heures et demie à la gare des Guillemins attendant le départ de l’express qui devait emmener Lucien vers Louvain puis de là sur Malines et Anvers.

Quelques minutes après, le train arrivait de Verviers. Les trois amis se dirigèrent vers le quai d’embarquement. Lucien choisit une place, déposa sa valise pour la préserver, puis se mit à causer avec Jules et sa femme jusqu’au moment du départ.

Dès celui-ci annoncé il embrassa ses deux amis qui pleuraient et lui-même, le cœur gros, monta dans son compartiment.

Peu après le train s’ébranlait et peu à peu grimpait la côte qui devait le mener jusqu’à Haut-Pré.

Tant qu’ils purent s’apercevoir ils se saluèrent mutuellement avec leurs mouchoirs.

Dès qu’il disparut à leurs regards Jules et sa femme s’empressèrent de sortir de la gare et de regagner leur demeure.

— Qui sait si nous le reverrons jamais dit Jules à sa femme.

— J’ai confiance dans son étoile répondit Julie. Il a la foi dans sa destinée et tout me dit que Lucien fera de grandes choses.

— Que Dieu t’entende, ajouta Jules.

Lucien de son côté dès qu’il ne vit plus ses amis, regarda pendant quelques instants la ville qui s’étageait à ses pieds puis dit : Adieu ma jolie ville, berceau de mon enfance ! Peut-être mes yeux ne te verront plus jamais ! Mais tu resteras toujours dans mon souvenir !

Puis se rasseyant il murmura :

Alea Jacta Est ! Le sort en est jeté !

Le train continuait son ascension. Après Ans il reprit son allure rapide et parvint deux heures plus tard à Louvain.

Lucien changea de train, là et à Malines, puis vers dix heures du matin arrivait à la gare de l’Est à Anvers.

Sachant que le bateau pour Harwich partait vers 7 heures du soir il s’achemina, sa valise à la main, vers les quais. Arrivé au hangar de départ