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tout caractère guerrier. Ils devinrent les indiens mansos, c’est-à-dire doux, dociles. Les autres devinrent les indios bravos, c’est-à-dire les féroces, les indomptés : c’est nous, les aïmara et d’autres tribus jusqu’aux Araucans. Partout chez eux vous trouverez notre esprit guerrier. Je suis le chef de tous. Mon autorité s’étend depuis Panama jusqu’à la Patagonie en obliquant ensuite depuis le Grand Chaco jusqu’aux confins de la Colombie et du Venezuela. Je commande à des millions de guerriers. Un signe de moi déchaînerait la guerre la plus meurtrière des temps modernes. Bref, nous reculâmes au delà des Andes vers la forêt vierge. Mes parents se fixèrent dans le bassin de l’Amazone sillonné de fleuves, nous opposions des barrières naturelles aux envahisseurs.

D’autres passèrent de l’autre côté du grand fleuve. Jusqu’en 1821 nous vécûmes tant soit peu tranquilles. L’Espagne régnait en maître. Vint la période d’émancipation des républiques sud-américaines.

Il fallut fixer les frontières des divers états. Jusqu’il y a une dizaine d’années une grande partie du territoire resta sans délimitation. Depuis lors le Brésil, le Pérou et la Bolivie ont nommé des commissions pour fixer les limites du territoire contesté. Elles ne sont pas d’accord mais sont près de l’être. Eh bien, moi Atahualpa II, je ne veux pas qu’on dispose ainsi de mes domaines ! Je veux rester libre, maître de mes destinées ! Je n’inquiète personne, moi ! On ignore même l’existence de mon vaste empire ! Qu’on me laisse tranquille, c’est tout ce que je demande.

Mais, hélas, je crains bien que je devrai lutter ! Ceux qui, après avoir fait verser à Atahualpa une rançon d’or, l’assassinèrent, sont toujours là ! Eux ou leurs descendants. C’est toujours la même horde hypocrite qui, au nom de la civilisation, empiète sur les faibles qu’ils soient noirs, rouges ou jaunes, c’est-à-dire africains, sud-américains ou chinois.

Vous connaissez donc mes desseins, ajouta-t-il ensuite. Eh bien, je vais vous indiquer ma puissance. Je peux mobiliser, c’est-à-dire mettre sur pied de guerre deux millions de guerriers armés de flèches empoisonnées.

Tout homme touché est un homme mort.

Ce ne sont pas les munitions qui manqueront à ceux-là, car pour tirer il faut viser et neuf fois sur dix ils toucheront leur but. Je dispose en outre d’un trésor de guerre de 100.000 kilos d’or soit au bas mot 250 millions de francs. Si je vous ai fait venir c’est parce que je veux avoir près de moi un technicien au courant des nouvelles inventions. La télégraphie sans fil m’intéresse car c’est la seule employée dans ces vastes régions de forêts impénétrables. Par elle je serai au courant des intentions de mes ennemis sans qu’ils sachent mon existence.