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Ils sont la reproduction intégrale des anciens dont les ruines sont encore visibles à Pachacamac.

— Et un inca habite là ? demanda Lucien. Oui, dit Don Manuel, c’est l’héritier direct d’Atahualpa et le descendant de Tupac Amaru, tué par les Espagnols lors de la dernière insurrection indienne.

Vous allez le voir bientôt car c’est lui qui vous a fait venir. Je ne suis que son humble mandataire.

Dix minutes après on atteignait le palais de l’inca. On avait traversé la ville sans que personne ne remarquât Lucien. Habillé comme il était il ne pouvait se différencier des autres que par le teint, mais comme son chapeau de paille lui tombait sur les yeux, l’ombre produite par le soleil lui bronzait la figure.

Deux sentinelles avec leur arc à la main, des flèches empoisonnées dans leur carquois, gardaient l’entrée du palais. Don Manuel descendit de sa mule et Lucien l’imita. À ce moment un indien s’avança de l’intérieur et dit quelques mots aux sentinelles.

Ensuite il vint vers Don Manuel et s’inclina profondément. Puis prenant Lucien par la main il le fit pénétrer à l’intérieur. Le cacique le suivit.

Ils traversèrent ainsi plusieurs pièces n’ayant comme ameublement que des nattes de paille par terre.

Des salles d’attente, sans doute, pensa Lucien.

On atteignit ainsi une antichambre où se tenaient plusieurs archers : un de ceux-ci se détacha vers le groupe des arrivants. Le guide de Lucien lui parla et celui-ci disparut vers l’intérieur. Peu d’instants après, la porte s’ouvrait à deux battants : une salle toute recouverte de panoplies et de trophées indiens apparut. Dans le fond un trône, tout en or. Sur celui-ci se tenait assis un homme d’une quarantaine d’années habillé à l’ancienne mode indienne. Une tiare d’or et de pierreries resplendissantes lui ceignait le front.

Tous se prosternèrent. Lucien allait les imiter mais l’inca fit un geste de la main et lui dit en espagnol : « Inutile, mon ami, je ne prétends pas vous imposer cette humiliation à vous qui n’êtes de notre race ni de notre religion. » Puis se levant de son trône il s’avança vers Lucien et lui tendit la main. Ensuite il le conduisit, le tenant par le bras, vers son trône où un escabeau se trouvait placé. « Asseyez-vous et causons, dit-il. Don Manuel m’a parlé favorablement de vous et vous m’êtes très sympathique. »

— Dans mon jeune temps j’adorais les collégiens du lycée d’Arequipa où j’ai fait mes études.

— Vous serez donc pour moi un ami, pas un subalterne. Comme vous devez avoir faim, nous allons passer à la salle à manger. Sur un signe