On marcha encore pendant deux heures ainsi puis on arriva à une clairière spacieuse.
Là on fit halte pour la nuit. On mangea le restant du mouton puis le cacique et Lucien dans des hamacs et les hommes par terre, enveloppés dans leurs ponchos, s’endormirent autour des feux allumés.
Lucien ne dormit guère car il réfléchissait aux événements. À l’heure actuelle il était absolument à la merci de ces hommes. Il n’était plus maître de sa destinée mais devenait un instrument au pouvoir de Don Manuel ou d’un autre plus puissant que lui. Qu’adviendrait-il après ? Serait-ce son malheur ou son bonheur ? Il n’en savait rien.
La nuit se passa ainsi. Le jour vint finalement ; on fit un léger repas : des biscuits de mer avec une tasse de maté (thé de l’Amérique du Sud).
À midi nous serons à destination dit Don Manuel à Lucien. C’est bien, répondit le jeune homme.
De nouveau on s’enfonça dans la forêt tropicale. Il fallait vraiment une connaissance approfondie des lieux pour s’y retrouver. L’escorte y évoluait comme si elle marchait sur une large chaussée.
À vrai dire il ne restait plus guère d’hommes des premiers qui avaient abordé la caravane.
Les trois quarts avaient rejoint leur poste d’observation. Petit à petit ils s’égrenaient en route et lorsque midi approcha il n’en restait plus qu’un seul.
Nous devons approcher du but pensa Lucien.
Effectivement, quelques minutes après, la route devint plus large : un vrai sentier se présenta devant eux.
Les bêtes accélérèrent l’allure, elles sentaient aussi qu’elles arrivaient à destination. Tout à coup on déboucha de la forêt.
Lucien faillit jeter un cri d’admiration : devant lui s’offrait un spectacle féerique. Aussi loin que le regard pouvait apercevoir ce n’étaient que des maisons sans étage uniformément blanches.
Au centre, un vaste quadrilatère d’arbres abritait deux grands bâtiments style byzantin.
Tout autour de la ville, comme des boulevards extérieurs, on avait planté des camphriers à feuillage blanchâtre.
— Voilà la ville de Cuzco, capitale des Incas et de l’empire du Soleil dit Don Manuel à Lucien.
— Mais, dit Lucien, Cuzco existe encore au Pérou. Oui, dit le cacique mais depuis la conquête elle a cessé d’être la capitale des Incas.
— Elle est transportée ici. Voici du reste, dans le carré arboré, le temple du soleil et le palais de l’Inca.