Page:Gaillard - Dans un monde inconnu, 1916.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 33 —

au pied d’un buisson ils s’arrêtèrent. Les indiens et les bêtes disparurent dans le feuillage ; Lucien et Don Manuel restèrent en arrière. Quand toute la caravane eut disparu aux regards des deux hommes, ceux-ci avancèrent à leur tour.

Lucien comprit alors par où ils étaient passés. Le buisson cachait l’entrée d’un boyau assez large. Au loin on apercevait les torches allumées des serviteurs.

On marcha ainsi pendant une heure, puis on commença à apercevoir un point clair qui devenait plus visible à mesure qu’on avançait : c’était la sortie du souterrain. Une fois dehors on campa de nouveau.

Les indiens tirèrent les ustensiles de cuisine de la caisse où ils étaient remisés. Ensuite ils firent du feu et commencèrent à rôtir dans la flamme un demi-mouton dont ils avaient fait emplette au départ.

Dès qu’il fut prêt ils grillèrent du maïs dans les braises. Quand tout fut à point et assaisonné, Don Manuel fit les parts de chacun et on se mit à manger. Ensuite il passa à Lucien une gourde contenant de la chicha aigre (boisson fermentée faite avec du maïs).

Sans y appliquer ses lèvres on pouvait boire à volonté à ce récipient. Lucien aimait assez cette boisson en ayant déjà goûtée auparavant.

Il but donc à la régalade comme les autres. Don Manuel tira un cigare de son étui et en offrit un autre à Lucien. Ce ne sont pas des havanes, dit-il, mais ils ne sont pas mauvais à fumer. Ils sont faits par nos indiens avec du tabac brésilien. Peu après, la caravane se remettait en marche jusqu’à la tombée du jour. Dès que l’obscurité survint on arrêta. On se trouvait de nouveau à la lisière d’une forêt mais Lucien remarqua que celle-là devait être autrement considérable que les précédentes. On pouvait affirmer que peu d’hommes civilisés l’avaient foulée car nul sentier n’existait. Don Manuel prit dans sa valise une pastille ronde qu’il alluma : une flamme verte s’éleva. Quelques secondes après, les mêmes lumières jaillissaient de tous les coins de la forêt. Le cacique alluma simultanément deux pastilles. La réponse fut identique. Cinq minutes après on entendait la feuillée craquer sous les pas de gens qui approchaient puis des ombres apparurent. Don Manuel alluma de nouveau, mais cette fois ce fut une lumière bleue qui éclaira la caravane pendant 2 à 3 minutes.

Les ombres s’étaient approchées. Lucien put compter une vingtaine d’hommes revêtus de leurs ponchos, d’où ne surgissaient que la tête et les bras qui soutenaient une carabine.

Le cacique dit quelques mots incompréhensibles pour Lucien et les hommes prirent les bêtes par la bride et les entraînèrent dans la forêt.

Peu après ils allumaient des torches résineuses qui éclairaient leur route.