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Le sixième jour de son arrivée il vit entrer un homme assez âgé, panama jusqu’aux yeux, un manteau sur les épaules.

À sa vue Petitjean se précipita.

— Bonjour, Don Manuel, dit-il en lui tendant la main. Ça va bien depuis un an qu’on ne se soit pas vus ?

— Oui cher ami, très bien répondit Don Manuel. Apercevant Lucien il demanda :

— Est-ce un parent à vous ?

— Non, dit Petitjean, c’est un compatriote, monteur de machines électriques. Tiens, justement il brûle du désir de connaître vos contrées.

Je vais vous l’amener. Appelant Lucien il lui dit : Je vous présente Don Manuel le principal cacique des tribus indiennes des bords du Titicaca.

Lucien lui tendit la main que Don Manuel serra. Petitjean s’était empressé de faire venir une bouteille de pisco (eau de vie péruvienne) et trois verres.

— Buvons toujours un coup, dit-il en les remplissant. Les trois hommes trinquèrent et burent.

Lucien remarqua que Don Manuel le regardait à la dérobée et que son regard, lorsqu’il se croisait avec le sien, était d’une grande douceur.

Est-ce que je lui serai sympathique ? songea-t-il.

— Qu’avez-vous amené ? demanda Petitjean au cacique.

Une cargaison de dix mules et vingt lamas répondit celui-ci. Des plumes de garce en quantité, cinquante kilos au moins. Des pépites d’or pesant trois cents kilos net. Du caoutchouc fin. Petitjean prit son calepin et calcula :

50 kilos d’aigrettes à 3.000 francs le kilo — 130.000 francs.
300 kilos d’or natif à 2.500 francs le kilo — 750.000 francs.

— Sapristi ! s’exclama-t-il, Don Manuel, pour peu que vous ayez quelques mille kilos de gomme vous allez me dévaliser ! Il y a là pour plus d’un million de francs !

— Je le sais, mon ami, répondit-il mais je n’ai pas besoin d’argent. En dehors de la pacotille courante que j’emporte d’habitude je vais vous commander certaines machines dont vous m’aviez montré les catalogues lors de mon dernier voyage. Ce sera donc à valoir sur leur achat.

— C’est parfait dit Petitjean. Commençons donc par là. Cet après-midi, nous pèserons votre marchandise.

— Vous dînez avec nous, je suppose ? Soit répondit Don Manuel. Peu après, attablés devant un bureau, Petitjean montrait au cacique ses divers catalogues.