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Europe nous nous figurons qu’ici les naturels du pays ne quittent leurs montures que pour manger ou dormir ! Quelle déception, mes amis ! pensa en lui-même Lucien. Évidemment, je m’attendais à trouver ici un semblant de civilisation, mais pas à ce point.

Tout y est, rien n’y manque. Ce costume d’homme porte la marque du meilleur tailleur londonien, comme cette robe de ville, ce tailleur, porte l’empreinte de Paquin ou de Redfem.

Allons-nous-en, j’en ai assez, fit-il en se levant.

Après avoir payé sa consommation il quitta le café.

Peu après il prenait un tramway qui allait vers les quais et à midi il était à bord.

Il dîna, fit une sieste de deux heures et à quatre heures, recommençait sa pénible besogne jusqu’à huit heures. Pendant qu’il dormait, le bateau quittait le port. Au matin, quand il se réveilla, il ne vit plus que de l’eau. À mesure qu’il descendait vers l’Antarctique la mer devenait plus houleuse.

À l’approche du cap Horn c’était presqu’une tempête qui se préparait à éclater.

Des vagues énormes balayaient à tout moment le pont. Le vapeur, quoique assez grand, était ballotté de droite à gauche et inversement par la houle.

Il y eut même un moment où le gouvernail ne fonctionnait plus, l’hélice tournant à vide.

Le capitaine donna ordre de faire face à la tempête au lieu de l’avoir par les côtés.

Ainsi, louvoyant, mais n’avançant guère, on parvint au détroit de Magellan.

Alors forçant l’allure et à toute vapeur on franchit la mauvaise passe et on déboucha dans l’océan Pacifique. La rencontre des deux océans était dépassée sans trop de dommages.

Le détroit passé, le temps commença à se radoucir. À mesure qu’on approchait du Chili, le calme revenait. Lucien remarqua que dans le Pacifique c’était le roulis, mais très doux, qui était de règle, alors que dans l’Atlantique c’était le tangage qui régnait. Cela vaut mieux pour moi qui n’ai pas encore le pied marin, songea-t-il.

Quelques jours après on atteignait Valparaiso, mais Lucien écœuré de sa descente à Buenos Ayres resta à bord. Je fuis l’Europe, pensa-t-il et je la retrouve ici en plein ! Finalement huit jours après le départ du grand port chilien on commença à distinguer un promontoire qui s’agrandissait de plus en plus.

C’était l’île de San Lorenzo qui abrite la rade du Callao. Le pilote vint à bord et prit la direction du navire. Une heure après, le vapeur Napo arrivait à destination et amarrait au Muelle Darsena.

à suivre.