Celui-ci à son tour se leva, alla au tiroir-caisse du comptoir et revint avec un certificat délivré à Anvers au nom de Van Parys, soutier, vingt-cinq ans d’âge, né à Charleroi.
Comme cela on ne s’étonnera pas que vous ne sachiez pas le flamand si vous tombez avec des compatriotes, lui dit Van Mulder.
Peu après ayant mangé un morceau de fromage et bu une autre pinte de stout, Lucien alla se coucher. Le lendemain matin il s’aboucha avec quelques uns des marins du Lodging House et apprit ainsi en quoi consistait le métier de soutier.
Du reste un de ceux-ci était destiné au même emploi sur le même vapeur.
Avec quelques verres payés et surtout par sympathie pour Lucien il lui promit de l’aider à apprendre son métier pendant les premiers jours de navigation.
Le jour de l’embarquement arriva ; Lucien et son compagnon se dirigèrent vers le bateau où ils furent acceptés sans difficulté.
Les nouveaux soutiers aussitôt débarrassés de leurs valises se dirigèrent vers les machines.
Là, sur place, son compagnon expliqua à Lucien la besogne à faire. Celui-ci était doué d’une facilité étonnante d’assimilation.
Quand le soir arriva et que son tour vint, nul ne s’aperçut pendant ses quatre heures de travail qu’il n’avait jamais manié une pelle à charbon ni fait rouler des wagonnets de houille.
Cependant pour faire un travail aussi pénible que celui-là et surtout dans l’atmosphère de fournaise où il avait lieu il fallait une longue pratique du métier ou une force d’endurance peu commune. Lucien parvint à remplir sa besogne à la satisfaction de ses chefs.
Lorsqu’on atteignit Lisbonne, après quatre jours de voyage, il était déjà fait à son métier.
Les plus durs moments étaient passés.
Ce qui le remplissait d’allégresse c’était de voir ses projets prendre un peu de tournure car une fois au Callao il était déjà plus près de son but.
Un de ses compagnons descendant à terre à Lisbonne il le pria de mettre à la poste une lettre pour son ami Jules. Avant son départ de Liverpool il lui avait annoncé son embarquement.
Comme il ignorait l’adresse à lui donner pour la réponse il le pria d’envoyer ses lettres poste restante au Callao. De là il lui écrirait à nouveau.
Son compagnon revint quelques heures après et lui annonça que sa lettre était partie.
Peu après le vapeur quittait le Tage et se dirigeait vers la haute mer.