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domination anglaise

réception, et qui avaient vraiment de la majesté. Les salons eux-mêmes étaient d’un goût sévère ; ils respiraient cependant de la solennité, surtout quand on se rappelait tous les personnages célèbres de notre histoire qui y avaient passé, depuis Frontenac, Montcalm, Dorchester, jusqu’aux princes d’Angleterre. Dans le cours de l’été de 1819, le château Saint-Louis présentait une animation inaccoutumée. Les gardes anglaises étaient doublées à toutes les issues, et une foule nombreuse entrait et sortait sans interruption du château. Le silence de cette foule indiquait une cérémonie funèbre. En effet, elle venait visiter la chambre mortuaire du duc de Richmond, enlevé par une mort tragique dans laquelle la croyance populaire voyait un châtiment de Dieu. On pouvait, raconte notre mère, lire sur toutes les figures qu’on rencontrait une expression de soulagement et de satisfaction secrète.

« Le principal ornement de la chambre funèbre, qui attirait l’attention du monde, consistait en quatre magnifiques candélabres placés autour du catafalque, et qui appartenaient à la famille du noble Lord.

« Chacun racontait à sa manière les incidents de la mort du duc. Mordu par un renard captif, avec lequel il avait voulu jouer en passant à Sorel, au moment où il se rendait à la chasse, il ressentit, au milieu de la forêt, les premières atteintes de la rage que ce renard, pris d’hydrophobie sans que personne ne le sût, lui avait communiquée.[1] Dès que les gens de sa suite s’en furent aperçus, ils l’engagèrent à descendre à Québec. Il partit en effet ; mais du moment qu’il entrevit l’eau de la rivière Ottawa, où il fallait s’embarquer, l’horreur hydrophobique s’empara de lui, et il s’enfonça de nouveau dans la forêt. On l’entendait

  1. D’après M. A.-G. Doughty, ce fut la morsure d’un chien favori, et non celle d’un renard, qui causa la mort du gouverneur. — E. G.