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le fort et le château saint-louis

qui résident dans les basses villes de Québec et de Montréal, dont la plupart étaient des gens d’une éducation basse qui avaient suivi l’armée, ou des soldats congédiés à la réduction des troupes. Tous ont leur fortune à faire et je crains bien que peu soient scrupuleux sur les moyens, lorsqu’ils peuvent obtenir leur but.

« Le rapport que j’en fais est qu’en général c’est le choix d’hommes le plus immoral que j’aie jamais connu, peu propre par conséquent à donner du goût aux nouveaux sujets (les Canadiens) pour nos lois, notre religion et nos coutumes, et encore moins à mettre ces lois à exécution pour gouverner. De l’autre côté, les Canadiens, accoutumés à un gouvernement arbitraire et en quelque sorte militaire, sont une race d’hommes frugaux, industrieux et de mœurs qui, par le traitement doux et juste qu’ils ont reçu des officiers militaires de Sa Majesté qui ont gouverné le pays pendant les quatre années depuis la conquête jusqu’à l’établissement du gouvernement civil, avaient en grande partie surmonté l’antipathie naturelle qu’ils avaient contre leurs conquérants. Ils consistent en une noblesse qui est nombreuse et se pique de son ancienneté, de sa gloire militaire et de celle de ses ancêtres. Elle est composée des Seigneurs de tout le pays, qui, sans être riches, sont en état, dans cette partie fertile du monde où l’argent est rare et le luxe encore inconnu, de soutenir leur dignité. Les habitants qui sont leurs tenanciers et qui ne payent qu’une rente fixe d’environ une piastre pour cent arpents de terre, sont à leur aise et vivent commodément. Ils ont été accoutumés à respecter leur noblesse et à lui obéir ; leurs tenures étant militaires, suivant le système féodal, ils ont partagé avec elle les dangers de la guerre, et leur affection pour elle s’est augmentée à proportion des calamités de la conquête qu’ils ont eu à éprouver en commun.