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du canada


mon, ton, ton, turlutaine


M. Clément Cazeau, un de ces anciens Canadiens dont le type devient de plus en plus rare de nos jours, et qui, avec bien d’autres usages aimables et touchants de la vieille France, a conservé l’habitude de chanter les chansons qui nous viennent de nos grands-grands-pères, — m’a chanté et répété un grand nombre de fois la mélodie que voici, et toujours absolument telle que je l’ai notée. Cependant, comme je craignais que l’on vint à suspecter la fidélité de mon oreille, j’ai voulu, avant que de l’écrire définitivement pour l’impression, me la faire chanter de nouveau ; et, muni cette fois d’un instrument de musique, j’ai pu constater avec certitude que mon oreille ne m’avait pas trompé. Maintenant, qu’un musicien essaie de chanter cette mélodie, la note fa naturel lui paraîtra excessivement dûre ; mais qu’il entende chanter cette même mélodie par un homme du peuple ou par tout autre qui n’ait pas donné dans le dilettantisme, le fa naturel ne le choquera plus. D’où vient cela ? — C’est que le musicien, à cause même de l’éducation de son oreille, ne peut, sans un véritable effort — effort désagréable — ne pas faire de note sensible, tandis que l’homme du peuple, lui, peut chanter un intervalle de seconde majeure entre le septième et le huitième degré de la gamme sans le moindre effort, et que souvent même il lui serait difficile de faire autrement.