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un mot, la musique plane, le plain-chant. Cette musique, et celle composée d’après la tonalité des modes ecclésiastiques, se rapportent donc à un ordre surnaturel, à un monde supérieur. Elle est la dépositaire du principe qui correspond à « l’œil de la contemplation ou de la grâce. » C’est par un sentiment de cette vérité que les Italiens appellent la musique de Palestrina : Musica dell’ altro mondo, la seconde musique sacrée, par opposition à la musique moderne.

« Ces deux éléments si distincts, le principe divin ou le repos et la consonance, le principe terrestre et sensuel, la dissonance et l’accent, prédominent, l’un, dans le système de chant consacré au service divin, l’autre, dans l’art que nous destinons à chanter nos passions terrestres. »[1]

Revenons maintenant au rhythme populaire dont la dernière partie de cette citation nous a un peu éloignés.

Dans nos chants populaires, le caractère personnel, le moi humain trouve son expression dans le rhythme mesuré. Mais, même lorsqu’il ne chante que ses joies, ses peines, ou des sujets d’amour, d’aventures, de combats, etc., le paysan, le colon ou le voyageur canadien entend toujours la grande voix de Dieu dans les champs qu’il cultive, dans la solitude des bois, sur le fleuve géant ou sur les lacs immenses ; les plus belles fêtes auxquelles il lui est donné d’assister sont toujours les fêtes de

  1. J. d’Ortigue. Université catholique, 1836. L’article d’où est tirée cette citation est reproduit en entier dans l’intéressant petit volume de M. d’Ortigue intitulé : La musique à l’Église, Paris, Didier et Cie., 1861.