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d’une délibération, d’un choix, d’un calcul. Les échelles musicales ne sont pas le fait des hommes, pas plus que les alphabets, pas plus que les langues. Elles sont le produit spontané de mille causes, de mille circonstances de climat, de langage, d’aptitudes, etc. Ce que les hommes y ont mis, ils l’ont mis par instinct, mais il n’y ont rien mis délibérément. C’est l’œuvre de tous, ce n’est l’œuvre de personne en particulier ; c’est l’expression de la civilisation. ”[1]

Et que l’on ne s’étonne pas que ces diverses divisions de l’échelle, que j’ai appelées le corps de la musique, aient tant d’influence sur la partie métaphysique de l’art. Dieu en créant l’homme esprit et matière l’a voulu ainsi ; et si le but principal de l’art doit être immatériel, il n’en est pas moins vrai que les formes matérielles sont indispensables et qu’elles jouent un très-grand rôle dans tous les arts. C’est que, dans les relations de l’homme avec son semblable ou avec la société, il lui faut frapper aux organes du corps pour arriver à l’âme. Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même a rendu un éclatant hommage à cette loi de l’éternelle sagesse. Rien de sensible, dit saint Jean-Chrysostôme, ne nous a été donné par Jésus-Christ, mais tout sous des apparences sensibles. Ainsi, dans le baptême, c’est par l’eau qui tombe sous les sens que la grâce invisible est accordée, c’est-à-dire notre régénération, notre renouvellement, opération toute intelligible. Si tu n’avais point de corps, tu aurais reçu ces dons tels

  1. Joseph d’Ortigue. Dictionnaire liturgique, historique et théorique de plain-chant et de musique religieuse au moyen âge et dans les temps modernes.