Page:Gagnon - Chansons populaires du Canada, 1880.djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
du canada


jamais je nourrirai de geai


J’ai fait dernièrement un séjour à la campagne que j’ai bien allongé de près d’une semaine, uniquement pour faire chanter les anciens voyageurs, les jeunes filles et les vieilles femmes. « Ah ! me disait une de ces femmes, si vous pouviez rester ici encore quelques jours : j’ai une de mes brus qui demeure à Saint-B * * * et qui doit venir nous voir dimanche qui vient… Ça, c’est une belle chanteuse ! »

J’attendis la belle chanteuse : une grosse jofflue qui louchait d’un œil ; — fort bonne femme d’ailleurs, et qui, d’une voix nasillarde et sur un ton excessivement élevé, me chanta des romances de la ville, dont je n’ai que faire, en prononçant les e muets en a, et les r à l’anglaise.

Un autre me dit : « Tenez, si vous voulez avoir de jolies chansons, allez voir P’tit-José-Baptiste : c’est lui qui en sait ! »

Ce n’était pas la première fois que j’entendais parler de P’tit-José-Baptiste comme d’un chanteur émérite ; je résolus de me rendre chez lui, quoiqu’il demeurât à une bonne distance. J’étais sûr d’une ample moisson : je bourrai mon carton d’un papier sillonné de portées, tout prêt à recevoir et à conserver pour les siècles futurs le répertoire si varié et si vanté du célèbre chanteur. J’arrive… Ô Renommée ! c’est bien là un de tes coups !… Mon homme ne savait rien, absolument rien… que quelques