Page:Gagnon - Chansons populaires du Canada, 1880.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
du canada

autour des rapides et en bas du portage, arriva tout essoufflé au milieu des familles dispersées autour des cabanes, en criant : Nattoué ! Nattoué ! Les Iroquois ! Les Iroquois !

En effet un parti de guerre iroquois était, en ce moment, à environ une lieue en bas du portage des Sept-chutes : ils savaient que c’était le temps où les canots descendaient la Grande-rivière venant des pays de chasse, et ils voulaient faire coup.

Il n’y avait qu’un seul moyen d’échapper, c’était de tenter de sauter les rapides, choses à peu près inouïe ; car, comme le disait le vieux Morache, ils ne sont pas drus les canots qui sautent les Sept-chutes !

Mais ce n’était pas tout cependant, il fallait encore que quelqu’un restât sur place pour opérer une diversion, attirer les Iroquois dans le bois et les empêcher ainsi, une fois engagés dans le portage, de connaître ce qui était arrivé. Pour qui sait ce que c’était que les Iroquois dans ce temps là, il sera facile de comprendre que, sans pareil stratagème, l’examen des traces toutes fraîches laissées par les familles les eut fait de suite partager en deux bandes, dont l’une eut remonté et l’autre descendu la rivière, à la poursuite des fugitifs.

Cadieux, comme le plus capable et le plus entendu de tous, se chargea de la périlleuse mais généreuse mission, prenant avec lui un jeune Algonquin dans le courage et la fidélité duquel il avait une parfaite confiance. Leur but atteint, Cadieux et son compagnon se proposaient de prendre le chemin le plus sûr pour rejoindre leurs gens, qui devaient envoyer à leur rencontre en cas d’un trop long retard.

On leva les cabanes : une fois les préparatifs faits, Cadieux et son jeune compagnon armés de leurs fusils, haches et couteaux, munis de quelques provisions, partirent pour aller au-devant des Iroquois. Il était convenu que les canots laisseraient le couvert de la rive et se lanceraient dans les rapides, dès qu’on aurait entendu le rapport d’un ou plusieurs coups de fusils dans la direction du portage.

Une heure ne s’était pas écoulée qu’un coup de fusil retentit, suivi bientôt d’un autre, puis de plusieurs. Pendant cette lutte, au bruit des détonations, les canots, engagés dans les terribles courants, bondissaient, au milieu des bouillons et de l’écume, plongeaient et se relevaient sur la crête des vagues qui les emportaient dans leur course. Les habiles canotiers, femmes et hommes, aux deux bouts