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que l’harmonie, telle que nous l’entendons aujourd’hui, est incompatible avec tout ce qui n’est pas tonalité européenne moderne ; que ce n’est qu’en assimilant les modes antiques à nos modes majeur et mineur, c’est-à-dire en faisant disparaître des premiers ce qu’ils ont de caractéristique que l’usage de notre harmonie dissonante devient possible. D’ailleurs, est-il bien sûr qu’un grand nombre de nos mélodies populaires ne soient pas incompatibles avec toute harmonie, même purement consonante ? Pour ma part, je le crois, bien que je sache que beaucoup de musiciens pensent le contraire. C’est le propre des musiciens de ces derniers siècles, comme l’a si bien fait remarquer M. Fétis, de ne pouvoir s’imaginer une musique quelconque sans harmonie. C’est qu’en effet, la tonalité qui nous est familière, avec ses modes à note sensible exclusifs, étant essentiellement harmonique, on a peine à comprendre qu’il puisse en être autrement d’une autre tonalité. Si l’histoire n’était pas là pour nous le dire, on ne voudrait pas croire qu’il fut un temps où l’on faisait de belle, d’admirable musique sans le secours de l’harmonie ; que les premières notions de cette science étaient inconnues en Italie jusqu’à ce qu’elles y fussent apportées par les peuplades barbares du nord de l’Europe qui envahirent tant de fois la péninsule dans les premiers siècles de l’ère chrétienne.

Pour ce qui est de la mélodie qui nous occupe, en particulier, on peut sans doute lui ajuster un accompagnement quelconque, mais non sans lui faire perdre de l’allure, du caractère qui lui est propre ; allure et caractère que les virtuoses campagnards surtout savent si bien lui donner.