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Lorsque la comtesse reprit ses sens, elle confia à M. Charrière tous les déchiremens de son cœur.

— Docteur, lui dit-elle, il est ici ! Je l’ai revu !… et sa présence, que je désirais auparavant, me fait un mal affreux ! Combien je souffre ! Je l’aime, mais je ne puis dominer le sentiment de répulsion qu’il m’inspire ; car tout ce que vous m’avez dit ne m’a point convaincue de son innocence. Comment admettre, en effet, que deux fois seulement ses accès de somnambulisme se soient manifestés depuis que je le connais !… Vous le voyez, docteur, ce doute me consume, et bientôt j’en mourrai ; car, je vous le répète, ajouta-t-elle en pleurant amèrement, je l’aime, mais j’ai peur d’aimer un scélérat. Je ne puis le voir sans frisonner d’horreur. Ces luttes, il les voit, il les devine, il en souffre peut-être plus cruellement que moi… Dites-lui donc qu’il parte, que je ne veux pas le revoir encore, et faites-lui mes adieux suprêmes. Je le sens, je n’ai que bien peu de temps à vivre.

M. Charrière n’essaya point de combattre la résolution de la comtesse.