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V


Quelques jours après sa visite au docteur Charrière, M. de Montbarrey quitta secrètement son hôtel, et fit remettre à la comtesse une lettre ainsi conçue :

« Adieu, Béatrix. Je pars, car j’ai compris l’affreux tourment qui te torture le cœur. Tu as horreur de moi, en même temps que pitié. Tu m’aimes, et mon amour t’épouvante. Il faut nous séparer. Ces luttes te brisent et te tueraient à la longue.

» Reprends ta sérénité, et laisse à moi seul le chagrin. Seul malheureux, j’eusse pu supporter mon malheur, car les félicités de ton amour l’emportent sur les souffrances que j’endure. Si j’avais à choisir, je préférerais encore mon existence mêlée d’angoisses et de joies infinies à une vie calme privée de ta tendresse ; mais te voir souffrir est au-dessus de mes forces. Quand ce matin, entré furtivement dans ta chambre pendant ton sommeil agité, j’observais ton beau visage endolori et tes yeux rougis par les larmes, j’éprouvais alors un supplice tel que je ne saurais le décrire.