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d’indignation. Le docteur comprit la réaction violente que l’aspect du comte venait d’opérer dans l’imagination de la malade. Il fallait donc détruire ses soupçons sur la culpabilité de son mari. Un seul moyen restait : lui dire la vérité. C’est ce qu’il fit. Elle parut d’abord écouter avec confiance ; mais elle avait ignoré jusqu’à ce jour que son mari fût somnambule. Ne la trompait-on pas une seconde fois ? Elle en resta convaincue.

Aussi, à partir de ce moment, ne pouvait-elle voir son mari sans éprouver un frisson d’épouvante. Elle l’aimait profondément, mais elle se reprochait cet amour comme un crime.

Ce fut pendant un mois une lutte si douloureuse entre sa conscience et son amour, que sa santé en fut visiblement altérée.

Lorsque le comte observa en elle les symptômes de la fièvre qui la dévorait, il pensa qu’elle pourrait en mourir ; et sa douleur atteignit au comble, car il eut peur d’être ainsi une seconde fois meurtrier.

Dans son désespoir, il résolut de prévenir par sa propre mort celle de cette femme innocente et adorée ; mais comme il pensa que son suicide, s’il était reconnu, pourrait produire sur Béatrix une impression funeste, il se décida à voir le docteur Charrière et à lui demander son assistance.