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— Eh bien ! madame, puisque vous l’exigez, M. le comte rêvait que sa première femme était morte empoisonnée, et que l’empoisonneur, c’était lui…

— Et ce n’était pas lui ? interrompit vivement Béatrix en fixant sur M. Charrière ses yeux égarés. Et mon amie n’est pas morte empoisonnée ?

— Tranquillisez-vous, madame ; j’ai assez d’expérience, je crois, pour savoir distinguer un empoisonnement d’une affection pulmonaire.

— En effet, j’étais folle ! reprit Béatrix, un peu plus calme ; c’est la fièvre qui m’égarait. Comment ai-je pu un seul instant m’arrêter à une telle pensée ?… Appelez mon mari, je vous en prie ; sa présence me fera du bien.

Le docteur, pour obéir au désir de la comtesse, se dirigea vers la porte, et, soulevant la draperie, il trouva le comte debout, appuyé contre le chambranle, et pâle, défait, se soutenant à peine.

— Remettez-vous, lui dit-il en l’entraînant dans la pièce voisine, car il faut que vous paraissiez calme devant la comtesse.

Lorsque M. de Montbarrey eut recouvré quelque sang-froid, ils revinrent auprès de Béatrix ; mais le comte ne put complétement dissimuler son trouble : sa pâleur, sa voix contrainte, la tristesse empreinte sur son visage, frappèrent Béatrix. Le soupçon lui revint à l’esprit.