— Eh bien ! alors, dis-moi tout, interrompit-elle. Cette preuve de confiance me rendrait heureuse. J’ai deviné tout à l’heure que tu ne me disais pas la vérité ; tu feignais d’être jaloux pour me donner le change. Parle donc, je t’en prie, car, je le sens, cette contrainte me tuerait à la longue.
— Te tuer, Béatrix ?… je serais donc deux fois meurtrier !
— Tu m’effrayes, Gaëtan : de grâce, explique-toi Je le veux !
— Tu le veux ? répéta le comte à qui ces mots « Je le veux ! » causèrent une sorte d’hésitation pénible.
— Oui, Gaëtan, je le veux ! redit la jeune femme avec énergie.
— Hé bien ! tu vas le savoir, répondit le comte, comme s’il cédait à une volonté irrésistible. Il y a deux ans, c’était un soir, je venais de te quitter, ivre d’amour, désespéré. Un obstacle nous séparait… Cet obstacle, un crime seul pouvait l’anéantir… — Puis, frissonnant comme à la vue d’une apparition soudaine : — Je la vois encore cette femme, ajouta-t-il. Elle est couchée et profondément endormie… Je la compare à toi, ma bien-aimée… à toi, si jeune, si belle et si tendre… elle, flétrie, malade et chagrine.