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moi serait de perdre ton amour. Quand je te vois dans le monde, si jeune et si belle, entourée, fêtée comme une reine, et que je pense à mon âge et à ma laideur, il me semble impossible que tu puisses m’aimer. Si je crois découvrir sur ton visage quelque vague tristesse, « Peut-être, me dis-je, n’est-elle point heureuse, » et je m’accuse comme d’un crime d’accepter ta tendresse. Enfin, parfois une affreuse jalousie s’empare de moi. C’est insensé : je rougis de ma folie, et voilà pourquoi j’hésitais à te révéler la cause de mes souffrances.

— Ô Gaëtan ! tu doutes de moi ! s’écria la comtesse. C’est insensé, en effet ! Tu es le plus noble, le plus tendre, le meilleur des hommes ; j’aime donc en toi des qualités qui ne peuvent vieillir. Eh bien ! pour t’épargner désormais tout sujet de jalousie, nous n’irons plus dans le monde ; nous fuirons ce tourbillon qui chaque soir nous sépare et m’emporte loin de toi. D’ailleurs, ces fêtes continuelles me fatiguent, et maintenant je n’y pourrais trouver aucun plaisir, puisqu’elles sont pour toi une cause de chagrin. Mais désormais plus de mystère. Nous penserons tout haut. Jure-le moi, je l’exige.