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une intensité et une persistance qui ne reculent devant aucun obstacle.

Le comte se promena quelque temps avec une fiévreuse agitation. Après s’être longuement enivré du souvenir de Mme de Germigney, et s’indignant soudain de sa propre faiblesse.

— Eh quoi ! Béatrix, s’écria-t-il avec véhémence ; tu m’aimes ! ne l’as-tu pas dit ? ne l’as-tu pas montré ? Tu m’aimes, et nous serions à jamais séparés ! Et qui donc s’oppose à notre bonheur ? Une femme flétrie par la maladie, une femme qui me fatigue de ses plaintes.

Il ouvrit la fenêtre. L’atmosphère était froide, et le ciel sombre mais pur, étincelait d’étoiles. Il contempla ces myriades de mondes roulant harmonieusement dans l’espace.

— Si l’unité est le principe de l’univers, pensait-il, pourquoi les passions humaines, comme ces étoiles, ne se meuvent-elles point selon des lois d’harmonie, et sont-elles livrées à l’incohérence ? Sommes-nous donc oubliés dans le code divin qui régit l’univers, ou bien notre ignorance est-elle la seule cause de la subversion profonde qui nous environne ?

Cependant l’air glacé rafraîchit le front brûlant du comte et calma la fièvre de son imagination.