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heure du matin et, malgré le froid très vif, il marchait à pas lents, dans l’attitude d’un homme accablé sous le poids d’une douleur sans remède.

Quand il arriva chez lui, le domestique, qui l’attendait dans l’antichambre, lui dit que Mme la comtesse l’avait plusieurs fois demandé durant la soirée, et avait donné l’ordre qu’on le pria à son retour de passer chez elle.

Cet ordre, révélant l’inquiétude de la femme jalouse, souleva chez le comte un mouvement d’impatience. Cette femme lui apparut alors comme un obstacle invincible pour sa passion. Il entra néanmoins chez la comtesse. Elle dormait. Il s’approcha du lit.

Mme de Montbarrey avait à peine trente ans ; mais la maladie avait complétement détruit sur son visage tout vestige de beauté et de jeunesse. Cependant le luxe dont elle était entourée annonçait le désir de plaire. Une riche garniture de dentelle encadrait sa figure amaigrie, et de longues manchettes retombaient sur sa main décharnée, qui offrait les teintes morbides de l’ivoire jauni.

Le comte arrêta sur elle un regard sec et presque cruel. Il la comparait intérieurement à la séduisante marquise de Germigney. Il sembla que la comtesse ressentît l’influence de