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et ma laideur me défendent d’aspirer à être aimé de vous.

Cette réponse, faite d’un ton simple et pénétré, et dans laquelle ne se faisait aucunement sentir l’amour-propre blessé, toucha profondément Mme de Germigney.

— Écoutez, mon ami, dit-elle, je vais vous parler avec une entière sincérité, et vous montrer le fond de mon cœur. Si jusqu’à présent j’ai rejeté tout hommage, c’est moins encore par égard pour le monde que dans l’intérêt de mon repos. Les amours illicites, qui ont tant d’attrait pour certaines femmes, m’ont toujours inspiré de la frayeur. J’ai horreur des tracas, des émotions, du mensonge que doivent entraîner ces sortes de liaisons. Croyez-moi, mon ami, si vous aviez été libre, il me semble que je vous aurais aimé, et que je vous eusse volontiers confié le soin de mon bonheur ; mais je hais, vous dis-je, les obstacles, et l’idée seule des entraves du monde suffirait à anéantir mon amour, s’il n’existait point entre nous une barrière beaucoup plus infranchissable, l’amitié que je porte à votre femme.

Béatrix prononça ces paroles d’un ton ferme et sincère qui ne devait laisser à M. de Montbarrey aucun doute sur l’inflexibilité de cette détermination.