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triste ; elle-même éprouvait une contrainte qu’elle n’expliquait point. Pour rompre un silence embarrassant, elle parla de la soirée, critiqua les toilettes, disserta sur la musique.

Malgré ses efforts d’imagination, la conversation retomba. Le comte ne répondait que par monosyllabes et semblait absorbé par la contemplation de la flamme du foyer ou par une profonde rêverie.

— Eh bien ! cher comte, dit enfin la marquise, me ferez-vous part de vos réflexions ?

À cette question, M. de Montbarrey tressaillit.

— Mes réflexions ? répondit-il en soupirant.

— Vous semblez préoccupé.

Il essaya de sourire, mais une larme roula sur sa joue.

— Qu’avez-vous ? s’écria la marquise émue, en lui tendant affectueusement la main.

M. de Montbarrey saisit cette main, et, cédant à une de ces émotions violentes qui précipitent la vie et impriment à la pensée une force impétueuse semblable au délire, il la couvrit de baisers.

Quant à Béatrix, pour la première fois une émotion d’amour lui saisissait le cœur. Elle voulait parler, la parole expirait sur ses lèvres, et son regard alangui ne pouvait exprimer ni froideur ni sévérité. Mais tout à coup surmontant son trouble, elle se leva et sonna.