Page:Gagneur - Une expiation, paru dans Le Siècle, 4, 5 et 6 mars 1859.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

se développent l’un par l’autre, et auxquels ajoutent encore le luxe et la magnétique atmosphère du théâtre.

La marquise suivait le spectacle avec recueillement. Elle ne croyait point aimer M. de Montbarrey, cet amour se dissimulait à elle-même sous le sentiment de l’amitié. Elle attribuait donc au seul plaisir de la musique ces subites langueurs qui voilaient son regard, ces frissons rapides qui lui couraient par tout le corps, et parfois ces oppressions soudaines qui faisaient perler une larme au bord de ses longs cils dorés.

Cependant, elle se sentait profondément aimée, et trouvait à cette affection, qu’elle n’analysait point, une secrète volupté ; mais la passion du comte s’enveloppait de tant de vénération que la vertu la plus rigoureuse n’aurait pas eu le droit de la repousser. Si Mme de Germigney avait soupçonné que ce fût là de l’amour, sa délicatesse s’en serait alarmée, et dans la crainte d’enlever à Mme de Montbarrey l’affection de son mari, elle se fût abstenue de le revoir.

Quant au comte, sa passion était arrivée à cette dernière période qui n’a plus de remède ; elle faisait partie de son existence, et l’une et l’autre ne pouvaient cesser qu’à la même heure.