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Où est-elle ? comme je l’aimerai désormais, ce cher petit ange !

Au même instant, un pas d’enfant se fit entendre dans l’escalier. La porte s’ouvrit et la fille de Gabrielle entra. Depuis quelques jours, l’appartement de la malade lui était interdit ; mais, comme elle avait entendu dire que sa mère demandait des fleurs, elle venait triomphante lui apporter la plus belle rose de la serre.

En revoyant son enfant, Gabrielle eut par tout le corps un tressaillement indéfinissable, et, malgré sa grande faiblesse, mue par une sorte de galvanisme, elle se dressa debout et lui tendit les bras.

– Ma fille ! ma fille ! cria-t-elle avec un accent de suprême tendresse.

Elle la prit et la serra sur son cœur, puis elle retomba inanimée sur son fauteuil. Ses sœurs la crurent évanouie et s’empressèrent à la secourir ; mais Gabrielle n’était plus : cet élan de passion avait épuisé le reste de vie qui était en elle.



XIII


Il y a quelques années, des affaires d’intérêt m’appelèrent à Domblans, mon village natal. En général, il vaut mieux vivre avec ses souvenirs que de revoir, après une longue absence, les personnes et les lieux qui nous ont été chers ; car les souvenirs nous conservent toujours vives et présentes les impressions de bonheur et les images de beauté, tandis qu’ils amoindrissent les points obscurs faisant tache au tableau. Ainsi, ce cher village que ma mémoire me retraçait plein de bruit et de gaîté, m’apparut triste et désert. Comme la famille de Charassin avait été étroitement liée avec la mienne, et que je gardais encore à Renée