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On comprendra aisément, d’après cette ébauche incomplète de la beauté très réelle de Renée et de Gabrielle, que Henriette, l’aînée, c’est à dire la plus pressée de trouver un appréciateur de ses charmes, doive éprouver à l’égard de ses sœurs un vif sentiment de jalousie, et que cette jalousie redouble encore à l’arrivée de M. de Vaudrey, pupille du baron et jeune homme à marier.

Pour toutes trois, c’est un grand événement que la venue de ce personnage au milieu de leur solitude.

Par leurs soins, le château semble rajeuni d’un siècle au moins ; les tentures sont renouvelées dans les appartements, le vieux damas sort de ses housses poudreuses, les meubles en chêne noirci reluisent sous la cire, les araignées sont troublées dans leurs toiles séculaires.

Le jardin subit une transformation à peu près analogue. Elles se réunissent dans ces préparatifs par une même pensée : plaire à M. de Vaudrey et lui faire trouver à son gré leur antique demeure. Toutes trois, elles comprennent l’importance des premières impressions ; aussi n’est-ce point sans une certaine anxiété qu’elles sentent approcher une entrevue avec le héros qui doit donner la vie et des formes réelles au petit roman que chacune d’elles édifie en secret au fond de son cœur.

Henriette, en raison de ses vingt-cinq ans, croit avoir plus de droits que ses sœurs à l’amour de M. de Vaudrey, sans songer que l’amour est le plus souvent en raison inverse de tels droits ; mais elle s’effraie de rester vieille fille ; car, à dix lieues à la ronde, elle ne connaît pas un homme que son père, rigoureux sur la question gé-