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l’amertume et de la sécheresse répandues sur toute sa physionomie.

— Pourquoi Paul n’est-il pas venu, lui demanda Gabrielle ; serais-tu jalouse d’une mourante ?

— Ne rappelons pas le passé, je vous en prie, dit Henriette. J’ai été bien injuste à votre égard, et je viens réparer mes torts autant qu’il sera en mon pouvoir.

— Cependant j’aurais bien voulu le voir, reprit Gabrielle en poursuivant son idée.

— Malheureusement, il est en voyage, répondit Henriette, à qui Renée fit un signe d’intelligence.

— Oui, j’aurais voulu le voir, poursuivit la malade, pour lui dire que je lui pardonne et que je prierai là-haut pour son bonheur. J’ai beaucoup souffert de cet amour, continua-t-elle après un moment de silence, et je crois que c’est un peu de cela que je meurs. Au moins es-tu heureuse, toi, ma chère Henriette ?

Mme de Vaudrey cacha sa tête sur les genoux de sa sœur en comprimant une violente émotion.

— Non, Gabrielle, non, ma sœur chérie, dit-elle en se relevant, non, tu ne mourras pas, et tu connaîtras cet homme ; tu sauras à quel point il était indigne de ton amour. Cette révélation sera en même temps mon châtiment.

Elle leur raconta alors à toutes deux sa vie intime de douleurs refoulées. Elle leur dévoila la ruse qu’elle avait employée pour épouser M. de Vaudrey, sa passion pour lui payée de haine et de mépris, et les humiliations chaque jour renaissantes que lui causaient les indiscrétions de Joseph Duthiou. Elle leur peignit enfin M. de Vaudrey, ce cœur égoïste et corrompu qui s’était joué de leur amour à toutes trois, et