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— N’ai-je donc pas une dot, monsieur ? dit Henriette en relevant fièrement la tête.

— Une dot dont je dispose fort heureusement ; autrement, elle passerait tout entière à assurer la discrétion de vos amants.

— De mes amants ! se récria la pauvre femme.

— Eh ! madame, je vous pardonnerais plutôt dix amants de votre classe qu’un Joseph Duthiou.

— Oh ! que vous êtes cruel, Paul ! Depuis quinze jours que nous sommes mariés, combien vous m’avez déjà fait payer cher cette légèreté, que vous devriez moins imputer à mon caractère qu’à l’existence triste et isolée que nous menions à Domblans.

— Et c’est pourquoi, sans doute, vous voulez me la faire payer à mon tour ? Vous prenez, ce me semble, un peu trop à la lettre les principes de la solidarité conjugale.

— De grâce, monsieur, cessez vos sarcasmes, supplia-t-elle. Je vous en conjure, pardonnez-moi cette faute ; et accordez-moi ce que je vous demande.

Et la fière Henriette se laissa tomber à genoux en fondant en larmes.

— Épargnez-moi cette comédie, répliqua M. de Vaudrey avec une implacable froideur ; laissez parler cet homme, on ne le croira pas.

— Mais il a des preuves, dit Henriette éperdue.

— Lesquelles donc, s’il vous plaît ?

— Des lettres signées.

— Quelle dépravation ! s’écria-t-il avec mépris ; c’est bien, madame, je paierai vos folies.

Henriette se releva, tellement humiliée par son mari, qu’en un instant la haine avait remplacé dans son cœur l’amour qu’elle lui portait.