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Quand ils furent assis sur le banc, M. de Morges lui prit la main. Elle la retira avec une sorte d’effroi.

— Cette main ne m’appartient donc pas encore ? demanda, M. de Morges.

— Non, pas encore, murmura Gabrielle, et c’est à ce sujet que je voulais vous entretenir.

Puis elle se tut de nouveau.

— De grâce, parlez, ne me laissez pas dans cette cruelle incertitude. Hier soir encore, votre père me donnait l’assurance que vous consentiez…

— Et aujourd’hui, je refuse, dit timidement Gabrielle.

— Et quels motifs ont changé votre résolution ? Oh ! dites, je vous en supplie. S’il y a quelques obstacles, mon amour est assez grand pour les vaincre tous.

La jeune fille baissa les yeux et ne répondit pas.

— Parlez, parlez, reprit le pauvre amoureux avec une anxiété croissante… Ah ! sans doute, je ne vous inspire que de l’aversion… Je suis bien malheureux, car je vous aime, moi, de toutes les forces de mon cœur.

Gabrielle savait par expérience ce que peut faire souffrir un amour dédaigné aussi répondit-elle avec un accent attendri :

— Je n’ai pas d’aversion pour vous, mais… mais je ne puis vous aimer.

— Alors, si vous ne me haïssez pas, s’écria M. de Morges en se laissant tomber aux genoux de la jeune fille, permettez-moi d’espérer. Ai-je jamais eu la prétention ridicule de vous faire partager ma passion ? Oh ! non. Gabrielle ; seulement, je vous entourerai de tant de soins, de tant d’amour, qu’avec le temps vous me rendrez justice et vous serez forcée de m’aimer un peu.

L’idée qu’elle pourrait un jour aimer cet