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sourire amer ; vous pouvez oublier, vous ? Ah ! vous ne m’aimiez pas, je l’avais toujours pensé.

Et elle cacha son visage dans ses mains.

— Vous m’accusez à tort, Gabrielle, reprit Paul avec un ton de tendre reproche et un regard qui demandait grâce.

Devant cette douleur naïve, le fat jouait encore avec le cœur de cette enfant.

Le ton, le regard de M. de Vaudrey bouleversèrent Gabrielle. Elle demeura quelque temps, silencieuse puis elle pleura.

— Moi, vous accuser, Paul, dit-elle, oh ! non, jamais, c’est moi seule que j’accuse, moi qui n’ai pas su vous inspirer un amour aussi grand que celui que j’éprouvais pour vous.

— Renée ne vous a-t-elle point dit, demanda M. de Vaudrey, ce à quoi m’ont engagé le devoir et la reconnaissance ?

— Renée m’a tout dit, répondit-elle en s’exaltant ; mais si vous m’aviez aimée comme je vous aime, vous m’eussiez sacrifié le devoir et la reconnaissance, l’honneur même s’il l’eût fallu.

M. de Vaudrey ne put s’empêcher de sourire.

— Gabrielle, mon enfant, dit-il, vous ignorez encore le monde, et vous ne jugez les choses de la vie que d’après votre cœur. Croyez-moi, mon amie, n’ayez pas de regrets. Votre père m’a parlé d’un projet de mariage entre vous et M. de Morges. Je ne saurais trop vous engager à y donner votre consentement, car M. de Morges me paraît avoir toutes les qualités d’un excellent mari et vous offrir toute garantie de bonheur.

— De bonheur ! interrompit Gabrielle avec amertume. Il n’y a plus de bonheur pour moi !… Je ne fus heureuse qu’un seul jour, lorsqu’ici même, ma main dans la vôtre, vos lèvres sur mon front, vous me pro-