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vent rien de l’amour, et après le mariage, ce sont tout bonnement de vertueuses mères de famille qui concentrent toutes leurs affections sur leur mari et sur leurs enfants. Gabrielle d’ailleurs est une fille très innocente et très soumise. Tel que tu me vois, je suis le plus clairvoyant et le mieux obéi des pères. Je te donne donc à l’avance mon consentement et celui de Gabrielle. Cependant, ajouta M. de Charassin par forme de plaisanterie, tu me promets que si elle n’a pas été la première à régner sur ce cœur volage, elle sera du moins la dernière.

— Sois tranquille, mon ami, répondit M. de Morges en se rengorgeant au souvenir de ses anciennes amours, c’est la première fois que je me sens le cœur aussi sérieusement atteint.

Ce mariage fut donc décidé entre les deux amis. M. de Charassin, enchanté de pouvoir réparer de cette manière le dommage qu’il causait à ses plus jeunes filles, en attribuant à l’aînée une dot disproportionnée avec la fortune qu’il possédait, sacrifiait Gabrielle sans scrupules et sans la moindre, hésitation à un vieillard qui devait la condamner à une existence de tristesse et de solitude, et qui ne pouvait en rien répondre aux exigences de son jeune cœur.

Le lendemain matin, M. de Charassin manda Gabrielle.

— Assieds-toi, mon enfant, lui dit le baron, j’ai à t’entretenir de choses graves ; mais d’abord, ouvre-moi ton cœur comme à ton meilleur ami ; dis-moi, comment trouves-tu M. de Morges ?

— M. de Morges ! répondit Gabrielle étonnée, en vérité papa, je ne sais que vous