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doucirait pour lui les souffrances de la goutte et les rigueurs de l’âge. Il s’ouvrit donc au baron de son amour et il lui demanda la main de Gabrielle.

— Il est vrai, dit-il à son ami, que je ne suis plus de la première jeunesse mais tu connais ma fortune, elle s’élève environ à soixante mille livres de rente, et il est entendu que je n’accepterai pas de dot. Puis, dans ces temps de désolation où la noblesse tend à se fondre dans la bourgeoisie par d’indignes mésalliances, c’est un devoir pour ceux qui ont conservé dans toute leur intégrité les anciens principes de s’unir entre eux, afin de perpétuer quelques races pures de tout alliage.

— Ah ! mon cher ami, répondit le baron en lui serrant énergiquement la main, est-il besoin de toutes ces considérations, l’affection qui nous lie, ne suffit-elle pas pour que je t’accorde avec bonheur la main de ma fille !

Comme l’amour vrai est craintif, M. de Morges, pour la première fois de sa vie, se fit à lui-même l’injure de douter de la puissance de ses charmes.

— Mais Gabrielle, reprit-il, pourra-t-elle m’aimer, ne s’effrayera-t-elle pas de mes cinquante ans, et voudra-t-elle consentir à m’épouser ?

— Sandiou ! s’écria le baron, te refuser ! elle serait difficile ! Un bel homme, un grand nom, une magnifique fortune, et avec cela un bon enfant qui l’adore ! Sois donc tranquille, mon ami, je me charge de tout arranger. On voit bien que tu ne connais pas encore nos provinciales avant le mariage, ce sont de candides jeunes filles qui ne sa-