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Vous avons-nous demandé tout à l’heure avec quelle espèce d’homme vous conversiez, et quel pouvait être le sujet de votre entretien ? Nous nous sommes au contraire discrètement éloignés, bien convaincus d’ailleurs qu’une demoiselle de Charassin ne peut rien faire ni dire qui ne soit en tout conforme aux plus strictes convenances, aux lois les plus sévères de l’honneur et du devoir.

Henriette demeura pétrifiée et elle lança à sa sœur un regard dans lequel elle mit toute sa haine : car, se dit-elle, ou Renée a provoqué ce rendez-vous pour faire à M. de Vaudrey l’aveu de son amour, ou elle a découvert mon secret, et amené là mon fiancé pour surprendre mon tête-à-tête.

Ils rentrèrent tous trois au château, jetant au milieu de leur silence, quelques lieux communs sur la beauté de la nuit, l’agréable tiédeur de l’air et la pureté du ciel.

— Une véritable nuit d’Italie, nuit d’amoureux rendez-vous, dit Paul avec sarcasme.

— Une nuit calme et sereine voile aussi bien la douleur que l’amour, reprit Renée.

— Et un ciel pur, brillant d’étoiles, ajouta Henriette, éclaire souvent la trahison et la vengeance.

Ils étaient arrivés au pied de la tourelle. Ils se souhaitèrent un bonsoir contraint et se séparèrent.

Renée, avant de rentrer chez elle, pénétra sans bruit dans la chambre de Gabrielle qu’elle trouva endormie. Elle la contempla longtemps avec une expression mélangée de tendresse et d’amertume.

— Pauvre sœur ! murmura-t-elle, que ne puis-je souffrir pour nous deux ! Comprendra-t-elle comme moi ce qu’on doit à l’honneur de la famille ? Du moins, je lui reste, et je tâcherai d’adoucir ses souffrances.