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dre comment j’ai mérité de si durs reproches. Il y a sans doute un malentendu dans tout ceci. Gabrielle est une charmante enfant qu’on ne peut s’empêcher d’aimer. J’ai pu le lui dire ; mais en quoi donc l’aurais-je trompée ?

Renée, indignée de cette mauvaise foi, lui rappela ses propres paroles à Gabrielle :

Demain, tout le monde saura que nous nous aimons. »

M. de Vaudrey demeura confondu.

— Eh bien ! monsieur, reprit Renée avec autorité, répondez donc, si vous avez quelque bonne excuse à envoyer à ma sœur ; car je crains pour sa raison, tant il y a d’exaltation dans sa douleur. Mais d’abord, sachez ce qu’est Henriette, et vous me répondrez après.

En ce moment, ils étaient arrivés à l’entrée de l’allée de charmille, et Renée tirant à l’écart M. de Vaudrey :

— Voyez-vous, lui dit-elle tout bas, deux personnes assises sur le banc ?

La pâle lumière de la nuit s’infiltrait au travers des feuilles, et deux ombres se dessinaient assez nettement sur la charmille pour qu’on pût les reconnaître.

Voyant que Paul hésitait, Renée reprit : Cette femme, c’est Henriette, et cet homme assis à côté d’elle, c’est Duthiou, le fils d’un paysan. Elle l’aime ou l’a aimé, et voilà quelle femme vous avez préférée à Gabrielle.

M. de Vaudrey avait reconnu Henriette, et ne pouvait douter des paroles de Renée ; sa fiancée, prise en flagrant délit d’amourette avec un ouvrier, lui inspirait bien, il est vrai, un profond dégoût ; mais cette même Henriette brillait à ses yeux d’une auréole de deux cent mille francs de dot. La cupidité prévalut dans son cœur sur tout autre sentiment, et trouvant immédiatement