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FEUILLETON DE LA PRESSE


du mercredi 31 juillet 1861


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TROIS SŒURS RIVALES

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VII


Pendant quelque temps, ils marchèrent silencieux. La lune allait disparaître derrière la montagne et ne répandait plus que des demi-teintes bleuâtres et mystérieuses. Les tièdes exhalaisons qui s’échappaient de la terre et des plantes, au lieu de se condenser en rosée, veloutaient de vapeurs parfumées les douces brises de la nuit. L’air avait d’enivrantes caresses. Les doux gémissements des feuilles, le murmure mélancolique des eaux, les fleurs languissamment penchées sur leurs tiges, tout parlait d’amour ; la nature entière semblait assoupie dans la volupté.

La chaste Renée subissait elle-même l’influence de cette atmosphère imprégnée d’effluves magnétiques. Les âmes pures et droites ne sont point pusillanimes ; cependant l’étrangeté de cette entrevue, la difficulté pour une jeune fille d’aborder la première une question d’amour, enfin les singulières révélations qu’elle allait faire, tout concourait à la troubler et à étouffer la parole sur ses lèvres.

De son côté, Paul se trouvait également fort embarrassé. Depuis l’heure où il avait reçu le billet de Renée, il formait sur ce rendez-vous diverses conjectures dans lesquelles sa vanité se trouvait plus ou moins

  1. La reproduction est interdite. Voir la Presse des 24, 25, 26 et 30 juillet.