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tres, et se sentit régénérée et consolée par cet air pur et par ces gazouillements d’oiseaux qui chantaient l’amour et le bonheur. Elle se crut, elle aussi, destinée à être heureuse ; et se mettant promptement à sa toilette, elle roula ses cheveux autour de ses petits doigts, essaya ses fossettes devant son miroir, passa un frais négligé de mousseline rose, serra sa taille mince et flexible dans une ceinture à longs bouts flottants ; puis elle courut au jardin. La vie débordait dans cette pétulante jeune fille ; un sang riche et pur semblait prêt à jaillir du fin tissu de ses lèvres rouges, et se teignait de bleu foncé dans ses veines transparentes ; et cependant son regard fébrile, la vivacité de ses mouvements annonçaient une agitation nerveuse dépassant les forces réelles, et qui devait amener une prochaine réaction.

Désappointée de ne pas rencontrer M. de Vaudrey, elle parcourut le parc en tous sens, visita le banc de gazon, s’y assit pour recueillir encore un souvenir. Enfin, le cœur gonflé de l’indifférence que lui témoignait Paul, elle revint toute triste achever sa toilette. Son espérance s’évanouissait et la pauvre enfant commençait à se laisser abattre par un pressentiment de malheur.

M. de Vaudrey, sorti pour une promenade, ne rentra qu’à l’heure du dîner. Dans l’après-midi, se trouvant au milieu des demoiselles de Charassin, il se montra également attentif pour toutes trois. Vers cinq heures, le baron vint prier son pupille de faire avec lui quelques tours de jardin. Paul s’y empressa, et ce fut alors, à quelque distance des trois jeunes filles, que se traita une question dont allait dépendre leur vie tout entière. Frappées du ton solennel qu’avait pris M. de Charassin, elles com-