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encore trop jeune pour que je songe à m’en séparer.

En attendant que le baron rencontre son pupille, revenons aux demoiselles de Charassin.

Henriette, rentrée chez elle, se contempla longuement au miroir, se trouva belle et mit à sa toilette tout l’art que la rivalité et l’envie de plaire peuvent suggérer. Il lui était facile de prévoir les moyens dont se servirait son père pour décider M. de Vaudrey à l’épouser, et, ne jugeant pas l’amour que Paul portait à Gabrielle ou à Renée assez profond pour résister à un avantage de fortune, elle attendit le résultat des promesses de son père avec une calme espérance. Avant de quitter sa chambre, s’apercevant qu’elle n’avait pas brûlé la dernière lettre de Joseph, elle la déchira.

Mais il était trop tard : au moment où Henriette descendait auprès de son père, Renée entrait chez sa sœur, résolue à la questionner sur son expédition nocturne ; surprise de ne pas la rencontrer, elle parcourut la chambre d’un regard investigateur et aperçut à terre, près de la porte, un papier froissé qu’elle ramassa et déploya après quelque hésitation ; elle lut alors, toute stupéfaite, l’étrange épître de l’amoureux d’Henriette. Elle rougit pour sa sœur, laissa retomber le billet, et s’enfuit comme si elle venait de commettre un crime. Toutefois, elle ne révéla point à Gabrielle le secret qu’elle avait surpris, dans la crainte qu’une telle confidence n’imprimât une souillure sur l’esprit de cette enfant.

Gabrielle, qui ne s’était endormie qu’au jour, se réveilla tard. Sa pauvre tête se trouvait reposée. Quand elle vit le soleil lui sourire à travers ses rideaux, l’espoir lui revint au cœur : elle ouvrit tout au large ses fenê-