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tait ouvertement, il se pliait avec une extrême facilité à toutes les idées de quiconque savait procéder par insinuation. Henriette, douée de beaucoup de tact et d’esprit d’observation, connaissait les moindres replis du caractère de son père, et dominait entièrement cette volonté débile, incapable d’initiative.

Dans ce moment elle jouait grand jeu ; elle mit donc tout en œuvre : elle se fit petite fille, pleura, cacha sa tête sur l’épaule du baron, et laissa coquettement se dérouler les flots de sa chevelure qu’il se plaisait souvent à caresser avec une tendresse mêlée d’orgueil.

— Quel doux souvenir ! s’écria-t-il. Ces beaux cheveux, ce cou, cette taille, il me semble revoir ma chère Isabelle.

— Au nom de ma mère que vous avez tant aimée, pardonnez-moi le chagrin que je vais vous causer, supplia Henriette, en joignant les mains avec une douleur hypocrite dont fut complètement dupe M. de Charassin.

— Parle donc ! mon enfant, dit-il ; s’il y a quelque chose à pardonner, je pardonne à l’avance, mais, de grâce, abrège des préambules qui me font souffrir !

— Du moins, reprit Henriette en se jetant théâtralement au cou de son père, et en simulant des sanglots, que pour la dernière fois je vous embrasse ; car, dans un instant, vous me repousserez avec horreur !

— Ventre-saint-gris ! ma fille, reprit M. de Charassin, allez-vous me faire pleurer ?

MARIE GAGNEUR.

(La suite à mardi.)