Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

peut-être une lettre de M. de Vaudrey, pensa-t-elle ; les attentions qu’il m’a prodiguées ce soir ne seraient donc qu’une feinte ?… Sur ce nouveau thème de réflexions, la pauvre jeune fille ne put s’endormir, et passa la nuit entière dans les plus folles conjectures.

Mais tâchons, à notre tour, de pénétrer le secret d’Henriette. Elle avait quitté le salon à la fin de la soirée, en proie à un violent dépit. — Qui aime-t-il ? se demandait-elle ; est-ce Gabrielle ? est-ce Renée ? Non, plutôt il n’aime personne ; c’est un homme sans cœur et plein de fatuité… Mais il me méprise donc bien, moi, puisqu’il ne m’accorde, pas même, comme à mes sœurs, un semblant d’amour, et pourtant je ne lui eusse demandé que cela… Il me hait sans doute, et pourquoi ? Que lui ai-je fait ? Je suis belle aussi pourtant… Eh bien ! moi je l’aime reprend-elle avec une énergie passionnée, je l’aime, et il m’épousera, je le veux… Alors, je l’aimerai tant !… Non, plutôt je le torturerai, je me vengerai. Mais d’abord il faut l’épouser, et que faire ?…

Elle ne s’était pas déshabillée ; assise sur une chaise basse, elle posa ses coudes sur ses genoux, appuya son front dans ses mains et réfléchit ; puis, tout à coup, elle se leva comme frappée d’un souvenir, s’enveloppa d’un manteau de couleur sombre et descendit sans le plus léger bruit l’escalier de la tourelle conduisant au jardin. Après l’excursion dont Renée avait été témoin, elle remonta dans sa chambre avec les mêmes précautions, et ouvrit alors le billet qui intriguait si fort Renée.

Cette épître lui venait de son bel amou-