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étaient préférées ; mais elle n’abandonnait pas l’espoir d’être épousée, et, pour mieux atteindre à ce but, elle résolut de suppléer par la ruse et l’adresse aux charmes qui lui manquaient peut-être aux yeux de Paul. Elle redoutait surtout Gabrielle, espérant triompher aisément de la candide Renée. Elle observait donc ses sœurs et M. de Vaudrey avec la haine et le dépit dans le cœur.

Par une belle soirée de juin, M. de Vaudrey, au retour d’une promenade à cheval, entra dans le parc, et, préoccupé de ses projets de mariage, s’assit pensivement sur un banc de gazon. Il comprenait qu’il ne pouvait prolonger son séjour à Domblans sans faire des propositions décisives à M. de Charassin, lequel paraissait impatient de lui voir prendre un parti. Pour la vingtième fois, il recommençait le parallèle entre Renée et Gabrielle, qu’il trouvait toutes deux également belles, également bonnes et sympathiques, et, comme pour la vingtième fois, il restait indécis, Gabrielle se présenta soudainement à sa vue, au détour d’une allée. Il se plut à accepter cette brusque apparition comme un présage et résolut sur-le-champ de profiter de la rencontre et du lieu pour déclarer son amour à Gabrielle. Ce soir-là, elle était encore plus charmante que de coutume. Depuis l’arrivée de M. de Vaudrey, elle avait insensiblement subi la transfiguration de l’amour ; elle embellissait chaque jour ; son visage, que, nous avons vu au commencement de cette histoire si frais et si rosé, avait pris une expression de langueur qui le poétisait.

Lorsqu’elle s’avança vers Paul, sa dé-