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jour le temps du travail, il émit des propositions qu’il savait être inadmissibles ; car, disait-il, il fallait demander des concessions exagérées pour en obtenir de moindres. Enfin, rappelant l’incident douloureux qui avait ému l’assemblée quelques instants auparavant, il réclamait pour les femmes, qu’il voulait attirer aussi dans la coalition, deux heures au milieu du jour pour préparer le repas de la famille et soigner leurs enfants.

Il termina par ces paroles, qui impressionnèrent vivement les assistants :

« Ah ! s’écria-t-il, ils nous refusent l’augmentation des salaires et la diminution des heures de travail, sous prétexte que ce temps et cet argent nous les dépenserions au cabaret à nous enivrer. Mais comment emploient-ils, eux aussi, leur temps et leurs richesses, si ce n’est à satisfaire leurs vices ?

« Nous, il est vrai, quand nous sommes ivres, nous tombons dans le ruisseau, on nous ramasse et l’on nous jette au violon ; c’est un scandale. Mais, eux, quand ils sont ivres, ils roulent sur des tapis, et leurs laquais les emportent dans leurs carrosses : personne ne les a vus.

« Ils parlent de nos débauches, de nos désordres ! D’où nous vient l’exemple ? d’où nous vient la corruption ? Que font-ils de nos filles ? »

À cette dernière phrase, répétée deux fois avec un regard sombre et une voix vibrante de colère, il sembla voir courir un frisson dans l’auditoire, car tous connaissaient le malheur de Gendoux.

Ce discours, qui flattait adroitement les instincts populaires, fut vivement applaudi.

Quelques autres ouvriers, grisés par l’éloquence de Gendoux, prirent la parole pour appuyer ses conclusions,