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l’escalier de bois. L’un d’eux alla chercher le médecin, et les autres aidèrent les Gendoux à transporter l’ouvrière sur son lit.

Le médecin déclara que l’enfant n’avait pas succombé à l’ingestion d’une dose trop forte de thériaque, mais que la vie s’était éteinte par manque de soins, d’air et de nourriture suffisante.

« Pourquoi donc, demanda-t-il à la mère, ne portiez-vous pas cet enfant à la crèche ?

— Quand j’y suis allée, il n’y avait pas de place, et tant d’autres étaient inscrits avant le mien ! Enfin, là comme ailleurs, il faut des protections, et je n’en avais pas. »

Les trois enfants entouraient le grabat de leur mère, toujours mornes et impassibles. Qui donc aurait éveillé la sensibilité chez ces jeunes cœurs ?

La mère aussi était calme maintenant. Tout à l’heure, à la vue de son enfant inanimé, l’instinct maternel s’était soulevé.

Dans son désespoir, il y avait eu peut-être plus d’effroi que de douleur réelle. À présent elle pouvait penser, et elle faisait ce raisonnement horrible de la part d’une mère : « N’est-il pas heureux pour lui comme pour nous qu’il soit mort ? »

Devant tant de misères, le médecin était à peine ému. D’ailleurs, que pouvait-il ? Chaque jour il rencontrait des malheurs semblables.

Les amis de Gendoux continuaient d’arriver. Ils étaient déjà nombreux. Le médecin les regarda avec surprise.

« Voyons, dit-il, il faut se cotiser. »

Les ouvriers, avec un élan unanime, portèrent la main au gousset, et remirent leur petite offrande à la pauvre femme.