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La mère Gendoux, inquiète, prêtait l’oreille à tous les bruits. Enfin elle entendit battre la retraite.

« C’est bientôt l’heure ; ils vont arriver, » pensa-t-elle.

Elle mit un peu d’ordre dans ce souterrain. On ne tarda pas à frapper au soupirail. La trappe s’entr’ouvrit.

C’était un homme de soixante ans environ. Encore robuste, il marchait cependant avec quelque difficulté ; et sa taille était un peu déviée. Depuis longtemps il était fileur. Or, avant l’invention du renvideur mécanique, ce travail très-fatigant produisait souvent des déformations corporelles. Cet homme avait néanmoins dans le maintien et dans la démarcha une distinction qu’on trouve rarement chez l’ouvrier, courbé toute sa vie sur le même travail.

« C’est bon, tout est prêt. Thérèse, sers-moi la soupe, dit Gendoux d’une voix brève, car ils vont venir. »

Il s’accouda sur la table, et parut préoccupé.

La vieille femme servit le repas, et resta debout, les deux mains sur les hanches, baissant la tête dans une attitude inquiète, en face de Gendoux, qui ne la regardait point.

« Ils vont venir ? répéta-t-elle d’un ton interrogatif.

— Oui, va chercher les tabourets de la voisine, car ils seront bien une trentaine.

— Une trentaine ! s’écria-t-elle effrayée. Ah ! Gendoux, prends bien garde à ce que tu vas faire ! Si on allait te mettre en prison ! Es-tu sûr au moins de tous ceux que tu attends ?

— Je suis sûr de tous les camarades. Ce sont des mécontents. Il y va d’ailleurs de leur intérêt comme du mien.

— Mais tous n’ont pas les mêmes motifs, murmura Thérèse.