Page:Gagneur - La part du feu.pdf/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et pourquoi nous battre ? Est-ce un nouvel ennemi de la patrie ?

— Ah ! il s’agit bien de la patrie ! me fut-il répondu. Il s’agit de ce que nous avons de plus cher, de plus précieux, il s’agit de nos biens, que l’infernale goule voudrait dévorer.

En cet instant, ordre fut donné d’engager la bataille.

Les vaillants généraux s’élancèrent sur le monstre, dont plusieurs têtes tombèrent.

L’héroïque phalange chantait victoire, battait des mains ; mais bientôt cette joie se changea en consternation. À la place de chaque tête il en renaissait, dix, vingt, cent, plus terribles, plus menaçantes. Alors j’entendis un groupe de légistes qui criaient : « Vite un projet de loi contre le monstre ! »

Cependant l’hydre avançait toujours, nous défiant de ses grands yeux rouges, sardoniques.

Heureusement, je m’éveillai. J’étais tout en sueur, j’avais la tête en feu. Pour chasser ce cauchemar, je courus à la fenêtre, je l’ouvris. La nuit était sombre. Cependant, à la lueur indécise des becs de gaz, se dessinaient les ruines de la rue Royale. Et, quoique éveillé, je vis encore surgir du milieu de ces ruines le monstre infernal.

Je fermai la fenêtre. Je me replongeai dans mon lit, cachant ma tête sous mes couvertures pour échapper à l’effroyable vision. Mais le cauchemar me poursuivit. Je ne me rendormis que vaincu par la fatigue et par la fièvre. Le rêve reparut. Et depuis ce jour, j’ai beau faire,